Histoires collectives : « Les jouets apportent de la couleur en prison »

Brest en Jouets et les services de la Maison d’Arrêt de Brest célèbrent la signature du partenariat d’implantation de l’association dans les murs de la prison. Crédit photo Brest en Jouets.

La recyclerie Brest en Jouets a installé son atelier de stockage et de reconditionnement au sein de la prison de Brest

Après avoir validé l’étude de faisabilité, l’association emploie aujourd’hui trois salariés-détenus.

« Les détenus trient, vérifient, nettoient et complètent les jouets selon une charte qualité exigeante. Ils lavent les cheveux des Barbies, recomposent des puzzles, vérifient l’état des peluches et s’occupent du référencement et de la fixation des prix de revente des jouets », explique Agathe Sezanne, chargé de développement pour l’association Brest en Jouets.

  

Depuis juillet 2024, les salariés de l’association Brest en Jouets ont remis en état plus de 8000 jouets depuis la prison. Selon des chiffres de l’Ademe, 7 millions d’entre eux sont jetés chaque année en France. Depuis sa création, l’association a récolté 9 tonnes de jouets. Crédit photo Brest en Jouets.

 

Depuis juillet dernier, la recyclerie brestoise Brest en Jouets, spécialisée dans la remise en état et la revente de jouets à bas prix, entrepose ses stocks de jouets au sein d’un local de  130 m2 mis à disposition par la Prison de Brest (via un contrat d’implantation d’une durée de 7 ans). « Nous salarions également trois détenus qui travaillent en qualité d’opérateurs pour remettre en état les jouets, sur des contrats de 24 heures par semaine, à raison de 4 jours par semaine. La rémunération légale d’un détenu étant fixée à 45% du Smic », explique la chargée de développement. Un modèle viable économiquement mais qui avant tout, correspond aux valeurs défendues par l’association brestoise. « L’une de nos missions est l’inclusion sociale. Ce qui compte pour nous, c’est de travailler avec des personnes en situation de précarité, ici des prisonniers, et d’utiliser les jouets pour les accompagner dans leur parcours comme faciliter la réinsertion, limiter la récidive à la sortie » ajoute Agathe Sezanne.  

 

Une fois reconditionnés, les jouets sont remis en vente à des prix jusqu'à 70% de moins que sur le marché du neuf. Ici, la boutique située à l’Atelier des Capucins à Brest. Crédit photo Brest en Jouets

 

Pour l’association Brest en Jouets, le partenariat avec l’institution pénitentiaire revêt plusieurs avantages, notamment de mettre à disposition une surface de stockage conséquente pour les jouets collectés. « Comme toutes les recycleries, nous avons un enjeu de stockage très fort et ce contrat d’implantation nous permet de nous projeter sans problème ». Quant au travail de remise en état et de référencement des jouets réalisés par les opérateurs, « le modèle fonctionne et nous espérons augmenter rapidement les volumes de jouets pour en proposer davantage à la vente dans nos deux boutiques brestoises : l’une située aux Ateliers des Capucins et l’autre dans la recyclerie généraliste Un peu d’R. A terme, nous pourrions aussi approvisionner des crèches municipales car nous avons été validés sur la liste de fournisseurs potentiels », ajoute la salariée.  Pour s’approvisionner en jouets, l’association collecte des déchetteries de Brest Métropole et le biais de points de collecte permanents (Un peu d’R, le centre social l’Agora à Guilers, la Maison Simone Veil à Gouesnou) et ponctuels en association avec des structures locales (Fourre Lagadec, crèche de Pen Ar Créac’h, La Poste etc.).

150 prisonniers en attente d’un travail

Pour l’institution pénitentiaire brestoise, l’arrivée d’un nouvel acteur économique dans ses locaux est toujours une bonne nouvelle.

« Sur les 450 détenus brestois, 150 sont en attente d’un travail ; le travail en prison est très prisé. Le contrat d’emploi pénitentiaire et le salaire qui en découle permettent aux détenus d’améliorer leur quotidien, d’aider des proches à l’extérieur ou de dédommager des victimes. Cela permet aussi de continuer d’être actif, de monter en compétences pour espérer une meilleure réinsertion. » - Benoit Grannec, responsable relations entreprises auprès du Département des Politiques d’insertion, de Probation et de Prévention de la Récidive (DPIPPR)

Quant à l’arrivée de Brest en Jouets, elle revêt une saveur particulière dans un milieu carcéral. « Les jouets apportent de la couleur et de la joie. Les opérateurs sont fiers de contribuer à une action écologiquement vertueuse et à faire plaisir à des enfants et des familles modestes », confirme ce dernier. 

S’implanter en prison, est-ce faisable ?

Avant de contractualiser, l’association et la prison ont réalisé une étude de faisabilité. « Nous avons présenté nos contraintes à l’association et à son fondateur Martin Pensart en particulier sur les contrôles des entrées-sorties de marchandises ». Des contraintes mesurées et intégrées par l’association, qui a d’abord testé la viabilité du modèle carcéral via un chantier d’insertion durant 9 mois. « L’association Prélude  via son chantier d’insertion déjà implanté en prison, nous a mis à disposition un espace et des salariés pour le reconditionnement de nos premiers jouets », ajoute la chargée de développement. Depuis la signature de ce partenariat, Brest en Jouets a aussi permis de médiatiser et faire connaître l’intérêt sociétal du travail en prison. « En expliquant leur modèle, l’association contribue à faire changer le regard de l’opinion publique sur le milieu carcéral », conclut Benoit Grannec.

 

Question à Agathe Sezanne, chargée de développement de l’association Brest en Jouets

Selon vous, en quoi ce projet s’inscrit-il dans les valeurs de l’économie sociale et solidaire ?

Brest en Jouets crée une chaîne de valeur plus vertueuse pour les jouets. Selon des chiffres de l’Ademe, 7 millions d’entre eux sont jetés chaque année en France. En les récupérant et en les revalorisant avant, on réduit d’autant l’impact écologique. Les jouets sont ensuite remis sur le marché à prix réduit pour être plus accessibles. Enfin, salarier des détenus permet d’intégrer au projet des personnes qui devront se réinsérer à leur sortie, et cela y participe. L’association est également pleinement intégrée à l’écosystème de l’ESS : nous sommes membre du réseau "Rejouons solidaire", membre de l'ADESS Brest, du Collectif EC & ESS animé par la Cress et adhérente du Réseau Bretons des Ressourceries et Recycleries engagées (RAB)

 

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